vendredi 7 mars 2008

Imbroglio dans le Neuilly du Pas-de-Calais



La mairie du Touquet a des airs de palais médiéval. Style anglo-normand léché, avec un beffroi de 38m, elle en impose. A l’intérieur, chaises rose bonbon dans le style Louis XVI. Au premier étage, le roi est ancré à son bureau, entre une photo de De Gaulle et une autre de Mitterrand. Léonce Deprez, 81 ans, a été successivement, depuis 40 ans, maire et député-maire. Sa succession s’opère sur fonds de luttes intestines.



Deprez contre Fasquelle


Il y a quelques mois, le maire historique trouve qu’il est temps de passer le relais. Dynamique et bavard (« il faut construire la vie ! c’est la vie qui est important ! »), il juge pourtant qu’il a fait son temps. Un successeur naturel s’impose tout de suite. Son adjoint, Daniel Fasquelle, 45 ans, crâne un peu dégarni et yeux verts, un collaborateur fidèle depuis 7 ans, en accord avec sa vision politique. En juin, Daniel Fasquelle se présente aux législatives de la 4ème circonscription du Pas-de-Calais et fait un carton, il remporte 85 % des voix. La fonction de député en poche, l’adjoint décide de ne pas s’arrêter là. Il veut aussi prendre la relève, à la mairie. Il monte une liste UMP ("Le Touquet de demain"), pour les municipales, avec l’investiture de l’UMP.

Mais entre temps, Léonce Deprez a retourné sa veste. Blessure égocentrique ? Peur de quitter la mairie ? Le maire historique ne soutient plus son collaborateur. Plus du tout.

Léonce Deprez trouve tout d’un coup que son adjoint aux finances se montre trop «carriériste», qu’il fait «acte d’obsession politique». Il ne l’appelle plus par son prénom. Daniel Fasquelle répond désormais au nom de «l’adjoint», «le député».

Comme il n’est plus question de le laisser prendre la mairie, Léonce Deprez recrute un ami avocat de Lille et «très bon tennisman», pour être tête de liste "Vive la vie". Patrick Doussot, 61 ans, vient depuis 40 ans au Touquet, pour les fêtes et les week-end. Ensemble, Deprez et Doussot montent une liste dissidente, sur laquelle Léonce Deprez est numéro cinq et conserve toute son influence : «Je reste sur la liste pour ne pas arrêter brutalement mon action. Après 42 ans de travail, je veux maintenir le cap : faire du Touquet une station européenne des 4 saisons.» La liste de Patrick Doussot s’inscrit donc complètement dans la continuité de l’action de Léonce Deprez : «Il suit la même ligne que moi, c’est pour ça que j’ai fait appel à lui.»

Pour s’opposer à Daniel Fasquelle, les arguments ne coulent pas de source. Le maire et son adjoint ont fait équipe pendant 7 ans et les divergences ne sautent pas aux yeux. Il a donc fallu se creuser pour trouver une légitimité à cette liste dissidente, un point de rupture. Ce sera la désuétude du cumul des mandats, à l’heure de la décentralisation. Le rapport Balladur qui le désapprouve tombe à pic. «Le député a choisi d’être député. Depuis que je ne le suis plus, je me rends compte que la mairie est un boulot à plein temps, Daniel Fasquelle ne doit pas être député et maire» dit Léonce Deprez.




Daniel Fasquelle, abasourdi, pense lui que les fonctions de député et maire sont très compatibles : «En juillet, j’ai été sollicité par de nombreux touquettois qui souhaitaient évidemment que leur député devienne maire.»




Les 4 saisons

Quoiqu’il en soit, le nouveau maire aura en mains l’héritage de Léonce Deprez. En trente ans, l’homme historique a transformé la station balnéaire aux hivers désertiques et aux vitrines cadenassées en un Neuilly du Pas-de-Calais, une ville qui tourne toute l’année, suivant les fameuses «4 saisons», son credo depuis des années. En quarante ans, la station est devenue le quartier général des Parisiens aisés, elle a pris beaucoup de valeur. La population qui y vit à l’année est plus âgée et aisée que la moyenne : «Il y a beaucoup de personnes âgées, c’est la France de 2020», explique Daniel Fasquelle.

Le Touquet compte aujourd’hui 5 600 habitants l’hiver et 30 000 l’été. Le travail du maire y est donc atypique : il est souvent promoteur touristique de sa ville, tour opérateur. Ses priorités : réaménager le front de mer, créer une piscine. Les problèmes sociaux ne sont pas toujours urgents et la priorité est au développement touristique.

Les deux listes promettent de s’attaquer aux quelques problèmes sociaux qui se cachent derrière les villas. Par exemple, le problème des jeunes qui sont obligés de quitter une ville devenue trop chère. Mais à la lecture des programmes, la priorité est quand même nettement orientée vers le développement touristique. Patrick Doussot suit, sans ambiguité, la ligne de Léonce Deprez, il veut faire du Touquet un pôle touristique rayonnant.



Dans cette ville, le PS n’a d’ailleurs pas trouvé sa place, au milieu des deux listes de droite de Patrick Doussot et Daniel Fasquelle. La troisème liste, la troisième voie est aussi de droite: "Le Touquet pour tous". Thierry Grégoire, hôtelier, est estampillé divers droite. «Culturellement, historiquement, le Touquet est à droite. Ici, on dit qu’on peut caser tous les socialistes dans une cabine téléphonique. Et puis, il y a tous ces gens aisés qui ont une résidence secondaire,» dit Gilles Lequien, colistier de Thierry Grégoire. Michel Warmé, avocat Parisien, n’a d’ailleurs pas réussi à monter une liste PS.
Alors la droite joue l’ouverture, «je ne mets pas de logo UMP sur mes affiches parce que ma liste regroupe des gens de toutes les sensibilités», explique Fasquelle. Puis, sûr de son effet: «Il y a même un encarté PS.»

Nolwenn Le Blevennec

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Monsieur Doussot est l'avocat de la Voix du Nord. Son nom a été cité dans les polémiques liées à la modification du capital du groupe de communication. Il est réputé pour être très réactionnaire. Sans commentaires.