jeudi 6 mars 2008

Enquête : la fin de la politique à papa ?


La fonction de maire s’est longtemps transmise de père en fils, notamment dans les zones rurales. Une tendance qui commence à s’estomper même si quelques bastions subsistent. Tout le monde connaît désormais Jean S., fils de Nicolas S. et éphémère candidat dans une ville des Hauts-de-Seine longtemps administrée par papa. La tentation de transmettre l’écharpe tricolore de père en fils n’épargne pas le nord de la France.


Direction Locon, village de 2 000 âmes du Pas-de-Calais, non loin de Béthune. Albert Cassez en est le maire depuis 1977. Son père Maurice l’était de 1945 à 1971, son grand-père Victor Genel dans les années 1920. Sa mère est née Delory, une famille qui a fourni trois maires successifs à Locon au xixe siècle. Et on pourrait filer la généalogie au-delà si ce n’était compliquer l’affaire. Dans certains villages ruraux, remonter la liste des maires, c’est un peu comme jouer au jeu des sept familles. Dimanche, Albert Cassez passera la main. Mais pas à l’un de ses fils. « Aucun des deux n’était intéressé, explique l’élu, presque fataliste. De toute façon, on trouve de moins en moins d’enfants qui veulent reprendre le fauteuil de maire de leur père. »

Le poste de maire d’un village rural ne fait plus rêver les jeunes. La décentralisation a accru les pouvoirs de l’édile en même temps que sa charge de travail. « Le rôle du maire est beaucoup plus difficile qu’il y a quinze ou vingt ans, explique Serge Martin, président de l’Association des maires de France dans le Nord. Il faut vraiment trouver la motivation. »
De moins en moins de jeunes sont prêts à prendre la relève, davantage attirés par les lumières de la ville que par le métier de papa, agriculteur. « Le passage de témoin entre le père et le fils était très lié au monde agricole, poursuit Serge Martin. Les villages étaient refermés sur eux-mêmes, alors qu’aujourd’hui des rurbains sont arrivés. Les gens se connaissent moins et sont donc moins enclins à voter pour un nom. Les baronnies, ça n’existe plus. »
Alors, faute de continuité familiale, certains élus privilégient une autre forme de passation de pouvoir. « Aujourd’hui, la transmission se fait beaucoup moins de père en fils et davantage au niveau de la famille politique au sens large, analyse le politologue Pierre Mathiot. On transmet le pouvoir à ses amis, à son dauphin, à ses deuxièmes femmes [sic]…notamment depuis la loi sur la parité. » Ainsi, l’actuel maire-délégué socialiste d’Hellemmes, Gilles Pargneaux, était le bras de droit de son prédécesseur, Bernard Derosier.

On aurait cependant tort d’enterrer la politique à la papa. Certains maires tentent toujours de placer le fiston sur la liste. à moins que ce ne soit ce dernier qui n’ait attrapé le virus de la politique, à force de regarder le paternel serrer des mains. Par exemple à Béthune, où le maire PS Jacques Mellick accueille sur sa liste son fils, Jacques Antonio. Une liste sur laquelle on retrouve également les Boitel père et fils.
Ce virus de la politique a poussé Pierre-Antoine Villain à se présenter sur la liste de son père François-Xavier, maire sortant UMP de Cambrai (Nord). « Il est né en 1977, année où j’ai été élu conseiller municipal… Il ne m’a jamais connu autrement », sourit l’édile, qui s’empresse de préciser : « Je ne peux pas l’en empêcher sous prétexte que ce serait politiquement incorrect… mais il devra faire ses preuves. »

« Moi, je me fiche un peu de son nom… Je veux juste connaître son programme », tranche Isabelle Legal, une habitante d’Armentières où Bernard Haesebroeck, premier adjoint au maire, se présente dimanche. Le candidat est aussi le fils de Gérard Haesebroeck, qui a tenu les rênes de la ville pendant quarante ans. Celui qui lui a succédé, Claude Hujeux, ne se représente pas. Reste à vérifier dans les urnes si un nom suffit à être élu.
Nicolas Kienast (La Pression de Mars, premier numéro)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

le dessin n'est pas mal