vendredi 7 mars 2008

Canteleux : mon maire est mon voisin


Dans la plus petite commune du Pas-de-Calais, la charge de maire tourne entre les trois familles du village, dans l'harmonie la plus totale. Rafraîchissant.

Canteleux, il faut d’abord trouver. Après Bouquemaison. Après Doullens. A quelques kilomètres du département de la Somme, Canteleux est pourtant bel et bien dans le Pas-de-Calais. Et avec seize habitants, le privilège d’être le plus petit village du département.

M. le maire reçoit chez lui. «On ne chauffe pas la mairie à l’année, ce n’est pas la peine : elle ne sert que pour les élections et les réunions de conseil.»

Michel Bartier a 59 ans. Il est agriculteur, et maire de Canteleux depuis 1995. Cette année, il se présente pour la dernière fois à la mairie, sur l’unique liste de la commune. «Je n’ai pas fait campagne, parce que chez nous il y a une tradition : vu qu’il n’y a que trois familles, le poste de maire passe systématiquement d’une famille à l’autre.»

« Deux ou trois mandats et on passe la mairie à son voisin »


«C’est un système qui existe ici depuis très longtemps. Comme ça il n’y a pas d’animosité : quand on a fait ses deux ou trois mandats, on passe la mairie à son voisin. Moi j’ai prévu de faire encore ce mandat. Mais j’ai déjà annoncé à mon adjoint que le prochain mandat ce sera son tour.»

M. le maire nous avoue que sa charge n’est pas très lourde, compte tenu du peu d’habitants de la commune. « Les préoccupations d’un maire d’une petite commune, c’est surtout maintenir une certaine cohésion, une bonne entente entre gens du village. Sinon ça devient très difficile à gérer. A Canteleux on n’a pas beaucoup de charges. Les principales, c’est surtout l’entretien des chemins et quelques rénovations au niveau des bâtiments de la mairie. »

Michel Bartier insiste : l’essentiel c’est que tout le monde donne son avis. Et après, de rechercher le consensus. « Pour savoir, il suffit de prendre son téléphone ou sa voiture pour aller voir ses administrés. Quelquefois on va même plus vite à pied parce que le village est pas grand, donc on est vite arrivé. »

Pas d’église : « une chance »

Effectivement, le village n’est pas grand. Pas d’église (« On a cette chance là, parce que sinon le budget aurait beaucoup à souffrir ») ni d’école. La mairie est au bout du village, ce qui n’est pas peu dire. Au moins une cinquantaine de mètres. Un bâtiment en briques, avec un petit écriteau noir « mairie » sur la porte.

Après la cour, le maire ouvre la porte d’une petite salle à la peinture un peu défraichie. « On vient faire le ménage demain, désolé c’est un peu sale. » Et d’en profiter pour accrocher le portrait du nouveau président de la République. « Le portrait de Chirac, les couleurs avaient fini par passer. Celui là il est tout neuf. » Tout neuf, et plébiscité par les habitants de Canteleux, qui ont donné à 100% leurs voix à Nicolas Sarkozy en 2007. Ça fait bien rire M. le maire qui, s’il n’a pas sa carte à l’UMP, avoue volontiers que son village penche à droite toute.



Dans la petite salle, pêle-mêle : les archives du village dans une armoire, l’urne, et un isoloir en bois. « C’est vrai que le suspense est assez mince, vu qu’il n’y a qu’une seule liste, mais c’est une tradition : systématiquement les gens passent par l’isoloir. Ça s’est toujours fait. »

Et pour ne pas y passer la journée, les habitants se sont déjà donné rendez-vous, dimanche, entre 11 heures et midi. « Comme ça tout le monde se réunit, tout le monde vote, on dépouille, on remplit les procès verbaux, on signe, et on s’en va. » La vie rêvée d’un maire, en somme.

Raphaëlle Laurent

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