mercredi 5 mars 2008

Des inconnus propulsés, des anciens écartés : malaise dans le FN du Nord


Les drapeaux tricolores de la petite salle de Tourcoing étaient soigneusement alignés, il n’y ont pourtant pas fait illusion : le Front national (FN) s’engage dans les municipales du Nord sur fond de guerre des clans. Ajoutez à cela que Jean-Marie Le Pen investi un inconnu à Lille et qu’un ancien conseiller municipal de Lille se retrouve sans étiquette à Lomme, vous obtenez une joyeuse cacophonie.

Christian Baeckeroot, de la liste « A Tourcoing, Les Français d’abord », était mardi l’hôte d’une petite soirée. Une dernière réunion, entre amis, avant le premier tour. A ses côtés, Carl Lang, cadre historique du parti et président du groupe FN au conseil régional, Simone Bonnave, colistière, mais aussi les têtes de liste Sylvie Langlois, de Wattrelos, Frédéric Butez, de Marcq-en-Baroeul et Luc Pécharman, de Lomme. Un quatuor singulier : tous conseillers municipaux, tous élus sous les couleurs du FN, tous encore encartés. Et pourtant… S’ils se relancent dans la bataille municipales, aucun n’est investi par le FN. Signe des temps, aucun d’entre eux n’était invité pour la venue de Jean-Marie Le Pen à Lille. Pour eux l’origine du problème est simple : Marine Le Pen. La fille du président ferait tout pour leur mettre des bâtons dans les roues.




De gauche à droite, Simone Bonnave, Carl Lang, Christian Baeckeroot et Luc Péchraman © Julien Licourt





La querelle des investitures

« Il reste au moins une solidarité, des militants de longue date qui ont un mandat municipal », explique Sylvie Langlois à propos de ces retrouvailles. La conseillère régionale et conseillère municipale de Wattrelos a reçu le communiqué laconique de la direction du parti comme une douche froide. « J’ai appris par Martial Bild [responsable national des municipales au FN] que c’était Jean-Marie Le Pen lui-même qui m’avait refusé le soutien. », sans autres explication. « J’ai du mal à comprendre que ce soit Jean-Marie Le Pen lui-même qui sache ce que j’ai dans la tête. Je considère que le FN est en train d’exploser. »
Pour Sylvie Langlois, les déconvenues ne s’arrêtent pas là. Elle ambitionnait, tout comme Luc Pécharman depuis le mois de janvier, de renouveler sa candidature aux cantonales en équipe avec le MNR Yann Phélippeau. Peine perdue, le parti a décidé de présenter quelqu’un à sa place : Sylvie Goddyn. « La compagne d’Eric Dillies », explique-t-elle, soupçonnant le candidat lillois et nouveau secrétaire de la section Nord-Flandres du FN de n’avoir pas « relayé » sa candidature auprès des instances du parti. Une situation d’autant plus étrange que le FN n’a pas pu pourvoir en candidats tous les cantons du département.

La querelle de personnes

De leur côté, Eric Dillies et les marinistes, Jean-Marie Le Pen le premier, ne sont pas tendres envers les proches de Carl Lang et de Philippe Bernard. Ce dernier, ancien poids lourd du FN régional et lillois a été mis en examen pour une affaire d’éventuelles fausses factures remontant aux cantonales de 2004.







L’ambiance est au pourrissement entre pro et anti-marinistes. Elle tourne même à la querelle de personne.
Les 11000 vidéos de campagne envoyées par Marine Le Pen et Steeve Briois aux électeurs d’Hénin-Beaumont ? « Je serais curieux de savoir s’ils ne dépassent pas les comptes de campagne, explique Philippe Bernard. Je vous parle en connaissance de cause. »

Le candidat du Front national pour Lille ? « Je connais bien Eric Dillies. Il a été mon assistant au conseil régional. Je n’avais pas reconduit son contrat car il n’était pas d’une grande efficacité. »
Un temps abattu après sa mise en cause, Philippe Bernard a retrouvé aujourd’hui du poil de la bête. « Personnellement je reste conseiller régional et vice-président d’un groupe d’élus qui porte le nom de Front national. Mais je n’envisage plus mon avenir au FN : on m’en chasse ! J’ai le soutien de 12 ou 13 conseillers régionaux derrière moi : si une majorité de ces élus choisi de vivre sous d’autres cieux… », explique-t-il sans préciser lesquels. Son prochain objectif : les régionales de 2009. Et sans le FN, c’est sûr.
Philippe Bernard a également été licencié la semaine dernière de l’Institut de formation des élus locaux (IFOREL), organe du Front national. « On laisse cela à Marine Le Pen, explique Christian Baeckeroot, trésorier démissionnaire l’institut. Elle va certainement y placer un prête-nom. »

La querelle idéologique

Ce que les historiques du Nord n’apprécient pas chez Marine Le Pen, c’est le changement de stratégie qu’elle a impulsé au parti. Leur volonté : revenir sur une ligne plus dure pour que les déçus du sarkozysme n’expriment pas leur vote sanction en accordant leur suffrage à la gauche, mais à l’extrême droite.
Une ligne soutenue depuis le début par Carl Lang, favorable à un rapprochement des familles de la droite nationale.





C’est le pari fait par les élus frontistes lillois réunis en début de semaine par Christian Baeckeroot.



Il y aura donc deux épreuves du feu pour le Front national dans la région Nord-Pas-de-Calais. Le premier, très médiatique, de Marine Le Pen à Hénin-Beaumont, avec un parti new look qui n’hésite pas à troquer la flamme frontiste contre un cœur. L’autre dans la banlieue lilloise, sans investiture et dans un esprit de « rassemblement » des différents courants de la droite dure.


Julien Licourt

Aucun commentaire: