vendredi 14 mars 2008

Le maire de Lille a onze ans



Sacha, un enfant passionné de politique, a pu suivre Martine Aubry pendant une semaine, durant les vacances de février. Séduite par sa curiosité, elle a pris le jeune garçon en stage. Et si elle avait trouvé un successeur ?





Il s'appelle Sacha de Sousa, il a 11 ans et il est maire de Lille. Maire virtuel d'un Lille virtuel, via le jeu vidéo SimCity, qui permet de gérer une ville que l'on crée de toutes pièces. Il y a un an, le jeune écolier lillois, coupe de bébé rockeur et répartie incontestable, se passionne pour ce jeu d’adultes.

Lorsqu'en octobre 2007 il rencontre Martine Aubry à l'inauguration du jardin des Coccinelles de Lille Sud, tout près de chez lui, il la bombarde de questions. «Je voulais savoir si être maire, en vrai, ça ressemble à SimCity.» Des conseils pour diriger son Lille virtuel, il en avait besoin, reconnaît-il en plaisantant...





À l’issue de l'inauguration, la vraie maire de Lille, séduite par la curiosité et l'audace du garçonnet, lui propose un stage. «Au début, on n'y croyait pas trop», raconte sa maman Estelle, qui travaille dans l'industrie pharmaceutique. Mais Martine tient parole : un samedi en février, «le premier samedi des vacances», elle sonne à la porte des de Sousa, à Lille Sud, et embarque Sacha pour la semaine. «Je l'ai suivie partout, j'ai pu comprendre les difficultés de la vie de maire.» Ce samedi-là, il a assisté avec elle à un spectacle de hip hop. Mais le lundi matin, dès neuf heures, place aux réunions de travail.





Les réunions avec les architectes, il a adoré. Il faut dire que son papa, Gilles, est architecte. Il a d'ailleurs construit et aménagé lui même leur maison ouvrière de Lille Sud : plafonds hauts, dupleix, originaux du peintre lillois Guillaume Caron accrochés aux murs. Un appartement à l’ambiance plutôt bobo.

Sacha a également assisté à la rencontre entre Martine Aubry et le maire israélien d'Haïfa, «une ville où les communautés arabes et juives cohabitent pacifiquement». À onze ans, l'élève de sixième ne perd pas une miette de l'actualité. Vocabulaire de jeune adulte, phrasé posé, il a l'audace des petits derniers choyés.

Son stage auprès de Martine Aubry l'a conforté dans sa vocation de maire. «J'ai vraiment compris qu'être maire c'est aider plein de gens différents.»






Les qualités nécessaires à la fonction? « Il faut être intelligent, généreux, gentil, il faut aussi faire ce qu'on dit.» Le bonhomme semble déjà se débrouiller question langue de bois. Mais surtout, il admire la maire sortante, et lui sera «toujours reconnaissant de cette expérience». Il viserait bien l’hôtel de ville mais pas l’Elysée : «Etre président de tout un pays c'est énorme, ça fait peur surtout quand on voit les polémiques qu'il y a autour de Sarkozy en ce moment...»

Quand, bluffé par une telle maturité, on lui demande quelle est sa sensibilité politique, il répond enfin comme un enfant. «Ben je ne sais pas trop encore, j'ai que 11 ans. Quand j'en aurai 18 je pourrai sûrement répondre. Pour l'instant, je suis trop petit.» Sous le regard protecteur de sa maman, il commente les déboires du président de la République : «Quand on voit ce qu'il fait en ce moment, on aurait quand même pu laisser une chance à Ségolène.»

Avec ses copains d'école, il aime aller à la piscine ou tchatter. «On ne parle pas de politique : ça ne les intéresse pas.» Il avoue préférer l'histoire aux mathématiques et profitera d'un exposé en éducation civique pour raconter son incroyable expérience à ses camarades.

Dimanche prochain, comme il l'a fait pour l'élection présidentielle, il accompagnera sa maman dans l'isoloir. «Elle fera ce qu'elle voudra, mais j'espère qu'elle votera pour Martine.» Estelle, qui se dit centriste, et «refuse de choisir un bord», sourit : «Il y a des chances.»

«Martine, elle est géniale», conclut Sacha. «C'est sûr, ce n'est pas Brigitte Mauroy [liste de Sébastien Huyghe (UMP), ndlr] qui m'aurait permis de la suivre ainsi!» Sa mère le reprend d'un réprobateur: «Ca tu n'en sais rien mon chéri, tu ne la connais pas.» «Oui, enfin d'après ce que tu m'en as dit...» Pas si langue de bois.

Texte de Françoise Marmouyet, sons de Charlotte Piret,
photos de Nathalie Gros

Aucun commentaire: