vendredi 14 mars 2008

Une campagne pas très net


Outil de propagande peu régulé, la toile a été investie par les candidats aux municipales avec un succès mitigé.



Etienne Forest, vous connaissez ? Candidat malheureux aux municipales de Lille - il n’a pas franchi la barre des 2% au premier tour -, ce dissident MoDem avait tout misé sur le buzz Internet. Un blog, un site, une web TV et d’innombrables commentaires sur les posts ou articles concernant la politique lilloise. L’ex-aspirant à la mairie aura appris à ses dépens que l’omniprésence sur le net ne suffit pas pour mobiliser les électeurs.
« En termes de stratégie, c’est important pour nous la campagne sur Internet, mais rien ne remplace le contact humain. Internet s’adresse à un public spécifique » estime Eric Mielke, directeur de campagne d’Olivier Henno (MoDem), élu maire dès le premier tour à Saint-André. Pour le responsable du site, le positionnement Internet est surtout destiné aux jeunes. On cible les réseaux communautaires comme Facebook, avec plus de 500 groupes et profils dédiés aux élections. Propagande classique mais aussi pages plus décalées, par exemple : « Sevran à gauche avec le Parti Socialiste pour les municipales de 2008 ! ».
Il est encore trop tôt pour mesurer l’impact du web sur la campagne mais dans le doute, tout le monde s’y met. Même les villages de 281 habitants où l’ADSL n’est pas arrivé… Ainsi, à Caucourt, près d’Arras, l’un des prétendants à la mairie, Alfred Reschke, s’est approprié le nom de la commune avec le site www.caucourt.com. Ses efforts auraient-ils payés ? Difficile à savoir, mais il l’a emporté dès le premier tour. Également, Slimane Tir, candidat écologiste à Roubaix peut se targuer d’un score supérieur à la moyenne des Verts en national. Son lip dub (clip de musique où les candidats se mettent en scène) aurait-il eu un impact ?

Affichage sauvage autorisé

Un buzz national, une vidéo qui circule… Mais tout n’est pas si simple. Peut-on s’approprier le nom d’une commune ? Faut-il préférer le site ou le blog ? Dans le flou juridique du web, pas facile de s’y retrouver pour les candidats. Christian Vanneste, battu à Tourcoing dès le premier tour, a fermé son blog pour le remplacer par un site Internet. Il explique en page d’accueil que « la création de ce site est une obligation légale. (…) il apparaît qu'un blog, même dépourvu d'annonces publicitaires comme c'était le cas pour le mien, est apparenté désormais à une aide gratuite d'une entreprise (en l'occurrence, le serveur) ». A ce sujet, le code électoral ne parle pourtant que des blogs hébergés par des sites de média.
Le Forum des droits sur l’Internet, un organisme consultatif qui s’occupe de la régulation de la net campagne, stipule qu’il faut « s’abstenir de tout recours à des procédés de publicité commerciale » sans plus s’étendre. Il invite même les modérateurs à faire une relecture a priori des commentaires pour éviter la diffamation.
Résultat : les sites de campagne présentent peu d’intérêt car ils sont souvent des outils de propagande pure. Rue89 a testé le site de Martine Aubry : un post élogieux et un post critique sont envoyés en même temps. « Le commentaire positif est publié dans l’heure. Le commentaire défavorable ne le sera pas, et fera simplement l’objet d’une réponse par mail dans la soirée.»
Pour Stanislas Magniant, cofondateur de Netpolitique.net, « pas besoin de déguiser la propagande : le militantisme en ligne est naturel. En quoi est-ce différent du tractage sur les marchés, le boîtage, et la pose d'affiches sauvage ? La ligne jaune, c'est lorsque l'on milite sous le manteau pour "planter" des rumeurs ou des accusations diffamatoires. »

Madjiasra Nako et Séverine Rouby (La Pression de Mars n°6)
Enrichissement web : Hacène Ouffar

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